Juvénal a décrit avec virulence les embouteillages de la Rome antique : troupeaux immobilisés , cohue , charrettes , chaussée glissante , ruelles obstruées . Les latinistes de 1° y ont trouvé immédiatement bien des points communs avec la circulation de Ouaga ( preuve s'il en était encore besoin de la modernité des textes dits anciens ...) et ont eu envie de s'essayer à réécrire , à leur manière , une satire ouagalaise .
Mme Jourdan, professeure de latin
TEXTE INITIAL ( JUVENAL )
Il faut être riche pour dormir à Rome. Le passage des chariots dans les rues tortueuses et étroites des quartiers , le vacarme produit par un troupeau arrêté ôteront le sommeil aussi bien à Drusus qu'aux veaux marins . Nous , nous voyons notre hâte entravée par le flot de ceux qui nous précèdent et nos reins comprimés par la foule qui nous suit en rangs serrés; l'un me frappe au coude , l'autre me heurte d'une poutre dure , celui-ci me cogne d'une solive , celui-là d'une jarre . Mes jambes sont grasses de boue , de larges pieds me piétinent de tous côtés et un clou de soldat reste planté dans mon orteil .
TEXTE DES ELEVES DE ST EX
Seul un coeur solide peut se risquer à circuler dans une ville telle que Ouaga . Car ce n'est qu'au gré de mille et une cascades que l'on peut se frayer un chemin parmi les innombrables têtes qui obstruent notre passage .Une idée fixe te guide : trouver dans cette botte de foin de toutes les couleurs l' aiguille qui est ta voiture dans laquelle tu pourras te réfugier Te voici pris au piège d'une foule qui t'engloutit comme des sables mouvants. Inconscient toi qui te jettes dans cette folle tourmente à tes risques et périls, évites le plateau de fraises qui voltige et le cycliste à sa droite .
Un nuage de poussière , des volutes de fumée ,
Un océan humain sans cesse déchaîné
Là , sur la rue de la Chance
On se perd , on se noie , là , tous , on se voit.
Une moto qui te presse , des voitures qui t' oppressent
Une charrette et un âne , une corvette et un van.
Une poutre qui te meurtrit les côtes ...
Pas le temps de te plaindre de ces clous que tu sautes
Et des mouches sur les bouts de tes pieds
Noirs de boue .
On a piétiné ta chaussure , tu as manqué trébucher , voir ta dentition sabotée , tes sandales gâtées . En te retournant , nul coupable car on s'est éclipsé . Que faire sinon pester contre cette absurde idée de venir t' insinuer dans cette étroite ruelle , barrée par un énorme camion qui t'envoie une fumée noirâtre et par une charrette aux effluves nauséabondes ....Le pire ,c'est l' âne , perdu , têtu , qui fait la moue au milieu de la rue . Attention ! il passe ! Ton habituel sang-froid disparaît...
Comment ? La route de Diacfa ? Ah, non , elle est barrée .On te propose des fruits , des tapettes , des ceintures , des calculatrices .... Non , tu ne veux pas ? Tu es bien compliqué! Aller où ça ? A Marina ? Ah , tu dois prendre un taxi! Attends , j'appelle mon petit frère, il en a un ...Et te voilà sur Charles de Gaulle . « A Ouaga , on sait pourquoi on aime Coca-Cola »! Pourquoi ...?
Un bus te double par la droite , des coups de klaxon retentissent, le feu a beau rougir , ton destrier vert file... Puis stoppe brutalement au bord de la route. Une famille monte à bord ; tassé à l'arrière, tu te fais tout petit . La tantie légèrement enveloppée se retrouve presque sur toi... Etouffé sous le poids de la « matrona » tu envies le 4/4 qui passe. Ah , te voilà à la lisière de Marina; les façades jaunes flamboient , rayonnent , t'aveuglent...
Le 4/4 qui te voit , conducteur sournois
te dénigre et te noie
Sous un nuage de fumée noire
Tu sors de la ruée
Où le chahut est abus .
Sur l'avenue Houari Boumediene ,
On se perd , on se noie , on s'habitue et on s'aime ...
Par ordre d'apparition littéraire: Mathilde , Clémence , Ivan , 1° L et ES